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Annabelle de Latour
Sam 29 Oct - 11:43
Noblesse

Le roulis de l’attelage lui donnait la nausée. Son teint, déjà fort pâle, avait viré au vert tandis qu’elle s’adossait à la banquette, prenant plusieurs grandes inspirations. Son stress, mêlé de fatigue et les cahots de la route n’aidaient guère à faire passer son mal des transports. Le cocher faisait-il donc exprès de viser tous les nid-de-poule ? Annabelle ramassa ses jambes contre son torse, s’entourant de ses bras malgré ses jupons, se fichant bien que cela ne soit absolument pas digne d’une dame de la noblesse. Elle était seule et cette solitude acérée était à la fois bénie et étouffante. Seule encore. Seule toujours, jetée sur la route et en pâture à cette société qu’elle allait devoir appréhender. Posant son front dans le giron rassurant de ses genoux, elle se balança tout doucement, se créeant un cocon à l’abri des regard, à l’abri de ce monde qui la heurtait et des bruits et grincement du fiacre noir aux armoiries des Farges de Latour. Trop de bruits, trop d’angoisses. Elle inspira par à-coups rapides, comptant sur ces instants pour tenter de calmer l’inquiétude physique, presque palpable, qui se formait dans sa poitrine et l’empêchait de vraiment trouver de l’air. Elle était terrifiée. Elle ferait bonne figure, comme elle tentait toujours de le faire mais elle venait seulement de s’habituer à Marie et Clément, ces faux parents qui avaient tout de vrais tuteurs aimants. Elle aurait aimé rester à leurs côtés. Elle aurait aimé faire semblant d’être leur fille, peut-être jusqu’à le devenir vraiment. Elle aurait aimé cette vie, ces gens qu’elle pouvait appeler “père” et “mère”. Elle ferma les yeux, continua son balancement. Mais lorsque la marque rouge la brûlait à en hurler à la faveur de la nuit, lorsqu’elle pouvait physiquement sentir la souffrance et les morts de cette maladie épouvantable… Comment pourrait-elle simplement renoncer ? Abandonner à leur sort tous ceux qui étaient venu à son secours, qui l’avaient caché, qui l’avaient protégée lui semblait si cruel.

Le roulis se calmait légèrement et Annabelle déplia ses jambes, engourdie d’être restée prostrée trop longtemps. Elle avait la bouche un peu pâteuse, ayant réussi à s’endormir d’épuisement, posant son regard sur le paysage campagnard qui s’offrait à sa vue, baigné d’une lumière dorée déclinante. Tout en réagençant ses jupons et sa robe des plus sobre, au bleu flatteur mais dénué d’ornements outranciers en dehors d’un liseré de dentelle, la jeune femme entrouvrit la vitre, profitant du vent piquant des premiers frimas. Ils n’étaient sûrement plus si loin, espérait-elle, elle pourrait bientôt se dégourdir un peu les jambes. Annabelle se raccrochait à des petits riens, craignant simplement le moment où le fiacre s’arrêterait. A quoi pourrait bien ressembler son tuteur ? Sa mère adoptive lui avait brossé de lui un portrait flatteur, bien que très succinct, comme si elle voulait à tout prix la rassurer. La rassurer face à quoi ? Elle lui avait dit que le marquis était quelqu’un de bienveillant et de simple, qu’il était très avisé des usages. Annabelle ne parvenait à se figurer le plus important : de quoi avait-il l’air ? Elle appréhendait. Tout changeait de nouveau, brisant la moindre de ses habitudes et c’était précisément ce qui la terrorisait. Elle espérait qu’elle pourrait s’échapper dans cette campagne dorée, chevaucher loin des Hommes, chasser, évacuer un instant toutes les angoisses. Et s’il la contraignait à toutes ces choses qu’elle détestait ? Coudre, broder. Faire la lecture irait - et encore, elle espérait qu’il ne s’agirait pas de poésie, qu’elle n’aimait guère - mais tout sauf ces travaux d’aiguille assommants. Elle qui avait grandi comme une fleur des champs, sans tuteur, sans chaperon, sans leçon de choses autres que celles données par sa vieille nourrice, priait la Grande Dame de la Nuit pour n’avoir ce genre de cours assommant, qu’il la considèrerait comme trop vieille pour cela.
La fiacre ralentit à l’instant de passer le portail en fer du domaine du Marquis de Florbelle et Artemisia serra férocement ses doigts sur sa jupe, donnant quelques mauvais plis supplémentaires au tissu. Elle déglutit, s’encouragea en pensées. Elle devait y arriver. Il fallait qu’elle y arrive. Elle devait faire une première impression correcte, par respect pour Marie et Clément. Pour ne pas compromettre leur gentillesse, pour parvenir à ses propres fins.

Annabelle descendit prudemment de l’attelage, oubliant de prendre la main que lui tendait le cocher pour l’aider à descendre. Un souffle. Elle releva doucement la tête pour voir entre ses cils baissés l’alignement des domestiques qui l’attendaient. Déjà, l’on s’affairait à décharger ses quelques bagages. La jeune femme inspira encore une fois. Un pas, puis un autre, mesurés, effrayés mais suffisants pour la porter quand même au devant de son tuteur, vers lequel elle n’avait encore osé lever les yeux. De lui, elle ne voyait pour l’instant que des - forts grands - pieds bottés et pour cause, il était en haut d’un petit escalier. Elle se força à lever le regard, un brin intriguée au-delà de sa terreur. Il semblait colossal à côté de ses domestiques et, si il n’y avait sa position au centre de ses gens, sans aucun doute aurait-elle pu aisément le prendre pour quelque palefrenier ou même bucheron. Et, au - delà de vêtements des plus simples - à son instar car elle n’était engoncé d’aucun corset ni fioritures - il y avait… Un casque. Annabelle ne monta pas son regard jusqu’à voir si le casque avait des yeux, pour ne pas risquer un contact visuel trop direct. Une nouvelle inspiration, elle fut assez près pour se stopper et s’incliner. Une révérence sobre mais maîtrisée. A son image : toute simple.
“Mes respects, monsieur le Marquis, je suis Annabelle Farges de Latour.” Sa voix avait un peu coassé mais elle s’estimait déjà heureuse de ne pas trembler. Pourquoi un casque ? La question lui brûlait déjà les lèvres, qu’elle garda closes, posant ses doigts par réflexe à son seul bijou, la torque de son père à son poignet, qu’elle tripotait machinalement. Pourquoi un casque, bon sang ? Pourquoi fallait-il aussi qu’il soit si… si GRAND ? Elle avait l’impression qu’il lui suffirait de souffler pour qu’elle s’envole comme un fétus de paille et pourtant, elle n’était pas si chétive, bien que très menue. Elle n’ajouta rien d’autre et préféra attendre qu’il ne prenne la parole le premier.
Annabelle de Latour
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Arnaud de Florbelle
Ven 4 Nov - 14:23
Noblesse
Le soleil était haut dans le ciel de cette fin de matinée. Elle avait ce charme mélancolique des premières larmes de rouille de l'automne, des calmes pluies indécises qui parfumaient l'air d'humus et de regret. Il faisait beau, mais il faisait froid. Arnaud contemplait ce paisible paradoxe sans rien dire, attendant que l'attelage en provenance du domaine des Farges de Latour amène à lui cette toute jeune femme qu'on lui avait demandé d'assister dans son premier saut dans l'arène, dans cette ménagerie d'oiseaux bavards et de prédateurs couverts de soie et de ridicule. L'homme se tenait devant l'entrée de sa demeure, avec son allure gargantuesque d'un Saturne ordinaire dévorant ses enfants. Le pas lourd, le dos raide, le regard d'un bleu perçant les ténèbres qui naissaient au creux de ses yeux, noyés sous les ombres immenses de son casque. Il sentit un frisson lui parcourir l'échine et passa une de ses larges mains sur son torse pour se donner l'illusion qu'il parviendrait à se réchauffer de cette manière. Pour le reste, des bottes hautes et un pantalon de cuir sans attrait complétait sa tenue négligée, sa chemise cachant mal la largeur de son être, comme s'il était à l'étroit dans ses vêtements ; c'était un peu le cas mais ce n'était pas si inconfortable. Il avait l’habitude de se sentir à l'étroit et cette sensation était devenu une forme de confort. Elle la rassurait, ceignant son visage d'une gangue de métal vieilli qui le préservait du monde extérieur.

L'attelage arriva finalement et la horde de serviteurs s'organisa d'elle-même, le maître des lieux les laissant s'organiser à l'envi. Il leur avait toujours donné une grande liberté et ne comptait pas changer de manière de faire - ou plutôt de ne pas faire. Le marquis était bien plus intrigué par la silhouette qui sortit du carrosse. Cette femme dont il ne savait rien deviendrait bientôt une sorte d'élève, de protégée. Qui était-elle, cette toute jeune personne issue d'une relation adultère, adoubée aux Farges de Latour depuis à peine trois ans ? Arnaud n'avait pas encore pris le temps de lancer Fridolin, son plus fidèle valet et fouille-merde, sur l'affaire. Il la vit sortir prudemment, sans saisir aucune main tendue. Intéressant... le quadragénaire plissa le seul œil visible qu'il offrait et fit quelques lents pas vers Annabelle pour l’accueillir. Il étudia sa tenue, s'imaginant déjà la Cour se moquer de cette sobriété charmante qui lui vaudrait peut-être des sobriquet comme "demoiselle à la triste robe" ou d'autres moins polis. Arnaud lui, s'en fichait. Ils avait bien que les apparences, si elles détenaient souvent un fond de vérité, n'étaient pas le meilleur des juge de la nature d'une personne. Les domestiques s'affairaient à décharger les bagages de la jeune femme lorsqu'Arnaud arriva à son niveau, la toisant en silence du haut de ses deux mètres, de sa stature d'ogre carnivore. Certains disaient de lui qu'il était un monstre qui transformaient les gens en meubles. D'autres disaient qu'il était anthropophage. Rien que des calomnies bien qu'il fallait avouer qu'avec son physique et son casque, le marquis de Florbelle avait une allure des plus patibulaires.

Il sentit dans ce regard qui se releva vers lui une sorte de résignation, mais pas de docilité. Mademoiselle de Latour était ne énigme qu'il lui tardait de découvrir mais il ne sauta pas les étapes, s'inclinant respectueusement vers elle en baissant n peu le regard. Sa voix chaleureuse, courtoise, tranchant singulièrement avec son apparence de hussard négligé et velu. "Mes hommages, mademoiselle de Latour. Soyez la bienvenue au domaine de Florbelle", répondit Arnaud d'une révérence, ne relevant pas le fait qu'elle n'aurait assurément pas dû prendre la parole en premier pour suivre le protocole. Il se montra sobre, attentiste, plus dédié à observer la jeune femme qui l'intriguait par son regard oblique et ses manières un peu étranges : prendre la parole en premier, refuser une main tendue... Il sourit derrière le fer de son casque, saisi par ce qu'elle faisait et n'avait pas fait, et les raisons à cela.

"Venez, rentrons car le temps est frais malgré ce beau soleil", claironna Arnaud de sa voix de stentor bien qu'il ne forçait pas le trait. Il était gaillard, aimable et très simple à la fois, tournant les talons en proposant son bras à son élève pour voir si elle allait se plier au protocole ou encore une fois le défier. Curieux de le savoir, il n'insista pas sur son geste, simplement curieux. "J'ai fais préparer du thé et quelques douceurs. Votre mère m'a rapporté que vous aimez le thé mais que vous n'aviez pas la dent sucrée. J'ai demandé des financiers aux amandes en cuisine", sa voix portait avec elle un sourire chalheureux, loin de ceux sans âmes qui suivaient uniquement les conventions, "avez-vous fais bonne route ?", les banalités étaient de simples accroches : ennuyeuses mais nécessaires. Le marquis laissa les domestiques faire leur office et se dédia entièrement à son invitée, curieux de voir si elle allait prendre son bras ou pas.
Arnaud de Florbelle
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Annabelle de Latour
Sam 5 Nov - 11:14
Noblesse


Elle inspire doucement, se force à réfréner les aiguillons d'angoisse, calmer les élans, apaiser les rides de l'eau. Il avance vers elle, ce géant qui la dépasse et avale de son ombre jusqu'au soleil froid. Une éclipse un instant, elle ne lève toujours pas assez le regard pour croiser le sien, oblique et fuyante. Les conventions loupées lui viendront plus tard, lorsqu'il sera assez tard pour penser droit. Elle s'en voudra sans doute un peu - n'avait-elle pas promis à Marie de faire très attention à ce genre de choses ? Mais il était trop tard et l'homme n'avait pas relevé. Sa voix, grave et puissante, comme un roulement de tonnerre était à l'image de sa démesure mais son verbe n'était ni froid ni alambiqué et Annabelle respira un peu : il avait l'air étrangement... simple. Lorsque Marie lui avait dit avoir confié sa tutelle à un marquis, un homme de surcroit, elle avait imaginé un homme pareil à son père, long, fin, le verbe tortueux, grinçant et sinistre. Un homme qui ne négligerait pas les coups de badine sur les doigts pour son éducation et toutes ces choses que les cousines Farges de Latour se plaignaient de recevoir de leurs gouvernantes. Ces jeunes filles étaient assurément un peu jalouse d'Annabelle qui, outre son statut bancal de fille illégitime, se voyait dispenser des cours par sa mère. Comment pourrait-elle comprendre, ces blanches oiselles, toute la complexité de sa situation ? Mieux valait laisser roucouler les colombes.

Déjà, on l'invitait à rentrer et Annabelle hocha doucement la tête, partagée entre l'envie de se mettre au chaud et sa crainte de l'inconnu. De l'extérieur, le manoir n'avait rien à voir avec celui de son père. La région aussi distillait une toute autre impression, celle d'un automne doré bien que nettement plus froid. Il y faisait plus beau, contrastant avec le Morvand et son climat bien plus gris et son impression que le paysage était pareil à une aquarelle délavée de pluies. A l'inverse, l'Averoigne était une huile aux tons chauds. Elle n'avait jamais partagé cette charmante pensée et ne le fit pas plus aujourd'hui. L'endroit semblait plus chaleureux, moins austère que ses souvenirs de son ancien comté, avant même les ravages de la maladie.

Le géant amorçait un mouvement pour l'accompagner, lui offrant son bras et Annabelle eut un frisson désagréable. Elle avait beau savoir que c'était l'usage, son coeur avait loupé des battements rien qu'à cette pensée. Le voyage avait éprouvé toutes les fibres de son être et le toucher lui semblait douloureux. Un instant, sa main menue se souleva sans conviction, comme suspendue un peu bêtement, pas assez haut pour seulement approcher le bras massif qu'on lui proposait. Puis elle fit mine d'enlever un fil invisible sur sa toilette. Il pourrait lui en vouloir plus tard mais elle ramassa simplement sa jupe, la relevant comme si c'était nécessaire pour simplement le suivre, se mordant légèrement la lèvre inférieure, son visage brièvement tordu par un tic. Elle devait rester calme, maîtresse d'elle-même. Ainsi Annabelle se porta-t-elle simplement aux côtés de son hôte, marchant à grands pas pour suivre les mouvements de ce titan si particulier. Tandis qu'il énonçait des banalités, la voilà qui cogite encore tout en l'observant à la dérobée : pourquoi le casque ? La question tournait infiniment et elle se mordit de nouveau la bouche pour ne pas la formuler à la place d'une réponse bien plus neutre :

"Je vous remercie de cette attention." Elle hésita avant d'ajouter : "Je mange cependant de tout, je me ferais à vos menus." Le fait était que Marie pense à parler de ses préférences alimentaires était très... Marie. Cette femme était décidément trop gentille. Elle ne voulait cependant pas que son tuteur la pense difficile ou capricieuse - Annabelle avait manqué de tout après tout.
Le pas vif, la demoiselle ne souriait guère, cependant son ton était aimable et au calme trompeur - sa poitrine se serrait toujours autant d'angoisse. Le sujet de la route n'était qu'un sujet banal mais il cassait le silence - elle manquait cruellement d'intérêt à développer les conversations aussi se força-t-elle à ne pas simplement répondre "oui".
"Oui, la nature est belle alentour."
Inutile de lui dire qu'elle avait été malade, que cela avait été interminable et qu'elle était encore toute endolorie. Elle n'avait aucune envie de se plaindre de problèmes aussi stupides et passer pour une geignarde.

Les domestiques allaient et venaient avec ses bagages et Annabelle devait se faire violence pour lutter contre l'envie d'aller les aider à transporter ses affaires - elle ne se ferait jamais aux égards dont elle avait toujours manqué dans son enfance.
Si son regard ne se portait guère sur son compagnon, elle détaillait au contraire d'un regard vif le décors, comme pour le mémoriser aussitôt, analysant et arrêtant son attention sur des détails - la fontaine moussue qui souffrait un peu de la négligence du jardinier aux vues des larves de moustiques qui s'éparpillaient à la faveur des ondes ; les abélias encore étrangement en fleurs - l'automne avait encore été peu froid. Elle énumérait en pensées les noms botaniques des essences qu'elle croisait, appréciant le jardin qui, s'il n'était tiré à quatre épingles, semblait des plus attrayant à observer. Au loin, des aboiements sourds - un chenil ? Et la subtile fragrance des écuries. Elle sourit en croisant un peuplier majestueux, côtoyant un mûrier platane aux feuilles jaunies. Elle avait bien plus d'attrait à explorer cet extérieur qu'à pénétrer dans le hall mais suivait naturellement. Près de l'entrée, un buis avait été attaqué par de la pyrale - un papillon brun s'en envola comme pour la narguer. Arnaud ne semblait guère aimer avoir le contrôle sur tout ce qui bougeait, vu l'imperfection de ce genre de détails. Etrangement cela la rassurait. Fou est l'homme qui se veut maître de la nature.

"Vous devriez le traiter. Le buis. La pyrale va l'achever. Du sulfate de fer devrait suffire." Dit-elle en passant le pallier et, aussitôt, porta la main à ses lèvres, coulant de biais à son hôte un regard inquiet sous ses cils de biche. Avait-elle pensé tout haut ?
Annabelle de Latour
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Arnaud de Florbelle
Ven 11 Nov - 14:59
Noblesse
Derrière le rideau de fer qui masquait son visage buriné, Arnaud souriait aux anges. Il aimait l'exaltante nouveautés d'une rencontre, l'éclat singulier de ce jeune visage dénué de sourire, drapé d'une gravité qui pourtant lui seyait bien malgré son jeune âge. Mademoiselle de Latour avait l'air intéressante. Il appréciait celles et ceux qui se jouaient des conventions, ou qui les contournaient et bien malgré elle la rousse marqua un point fort face au géant qui l'invita à délaisser les salamalecs - elle n'avait de toute façon pas l'air d'être la plus prolixe des femmes - et de gagner le grand hall. Son invitée lui répondit d'un simple hochement de tête et le marquis ne trouva rien à dire de plus, tournant lentement les talons pour mener la marche au travers des jardins dévorés par une certaine forme de négligence qui caractérisait le dilettantisme - ou plutôt l'acédie - de l'homme. Il tendit courtoisement son bras à la jeune femme pour l'accompagner comme la convention l'exigeait et s'étonna silencieusement de la maladroite pirouette de sa future protégée qui l'avait esquivé. C'était plutôt impoli et remarquer le malhabile stratagème était l'enfance de l'art mais monsieur de Florbelle, loin de s'en offusquer, n'eut qu'un invisible sourire ; fidèle à elle-même. Quelques secondes à peine lui donnaient déjà la conviction que ce n'était pas quelqu'un d'ordinaire. Tant mieux : Arnaud aimait les originaux. Il ne dit rien et fit preuve d'indulgence à l'égard de cette impolitesse - peu importait, au final. Elle savait marcher seule, après tout. Le géant se fendit d'un nouveau sourire et reprit la marche sans rien dire. Il aurait tout le loisir de comprendre ce refus.

Ce fut elle qui reprit la parole, avec ce laconisme qui semblait la caractériser. Arnaud ne lui répondit pas tout de suite, continuant sa lente marche aux travers des jardins sur un petit chemin pavé qui menait aux grands escaliers frontaux. "Vous avez le droit d'avoir des goûts, même chez moi", c'était une fille polie, qui n'avait de prime abord pas l'air difficile hormis l'étrangeté de certaines de ses premières réactions. Discrète mais peut-être un peu caractérielle. Il lui répondit sans se retourner, ne lui offrant que son large dos qui malmenait le tissu de sa chemise, "J'aime connaitre les goûts des gens, cela me permet de les découvrir. Si vous n'êtes pas difficile, tant mieux, mademoiselle de Latour. Manger est un besoin comme un plaisir, et nous aurons de beaux repas ensemble." Il n'ajouta rien de plus, ogre au palais fin mais à l'appétit insatiable qui appréciait plus que tout les délicatesses d'un repas échangé. Autant les plats que la discussion le ravissait et il avait hâte de se mettre à table avec la fille de Clément et de Marie pour l'observer, découvrir ses manières, ses préférences. "J'ai une faiblesse pour cette gâterie à la mode, le chocolat. En avez-vous déjà goûté ?" Arnaud en avait goûté tout petit, sur l'île de Belle-Galante où il avait passé ses plus tendres années. L'homme eut un rire guttural aux anges lorsqu'Annabelle se contenta de commenter la nature. "La causerie n'est pas votre violon d'Ingres, n'est-ce pas ?"

Les domestiques allaient et venaient avec ses bagages tandis que deux valets se hâtèrent pour ouvrir les deux lourdes portes qui dévoilaient petit à petit le hall de la grande demeure du marquis. Arnaud laissa le loisir à sa protégée de détailler ses jardins, de s'accrocher aux détails qui l'intrigueraient, qui lui plairait. L'ensemble manquant d'entretien et avait cet aspect un peu rupestre d'une nature domestiquée qui reprend ses droits , qui court sur les roches, grimpent sur les murs, mousse sur les fontaines. Les jardins étaient à l'image du maître des lieux : autrefois luxuriante, à présent négligée. Arnaud partageait avec son extérieur un aspect délaissé et malpropre des choses autrefois bien apprêtées mais qui avaient perdu quelque chose en chemin.

"Pardon ?", murmura soudain le marquis en tournant la tête sur le côté, se retournant lentement par politesse vers son invitée lorsque cette dernière lui donna un conseil sur ses jardins. Il demeura silencieux un long moment, loin d'être fâcheux mais simplement surpris. Ce b'était pas qu'elle s'y connaisse - il ne la connaissait pas encore, et elle pouvait avoir tout un tas de passions - mais plus que cela vint comme un cheveu sur la soupe. dans leur tentative de discussion. "Oh...", la pyrale lui passa juste sous le nez, comme pour le narguer et Arnaud réagit soudain, comme un peu assommé sans raison, "Baptiste, mon bon, venez par ici !", héla-t-il le jardinier qui flânait au loin. C'était un petit homme à l'air bonhomme mais un peu trop placide pour être honnête, visiblement peu dur à la tâche, "... veuillez traiter le buis au sulfate de fer, vous serez mignon." L'homme, beaucoup plus petit que lui et on peu rondouillard, demeura un moment étrangement coi face à son maître qui se souciait en général peu de ses extérieurs. Il hocha positivement du chef et pris respectueusement congés, comme sonné qu'Arnaud lui demandait de faire son travail. Ce dernier se retourna vers Annabelle. "Je vous confesse que j'ai malheureusement le travers d'être du genre négligeant. Mais ne le dites à personne", il lui offrit un clin d’œil complice, s'amusant de ses propres défauts.

Il se décida à se montrer volontairement un peu taquin avec la jeune femme pour la tester un peu, maintenant qu'ils se trouvaient devant la porte d'entrée et que le hall d'offraient à eux. "Puisque mademoiselle de Latour n'a guère besoin de mon bras pour entrer, je vous invite, chère enfant, à pénétrer dans mon antre en première." Joignant le geste à la parole, le marquis se pencha un peu en avant pour la saluer dignement et l'enjoindre à prendre la tête de leur équipée. "Je vous en prie, mademoiselle."
Arnaud de Florbelle
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Annabelle de Latour
Ven 18 Nov - 11:39
Noblesse

Quel drôle d'homme que celui-ci, dont elle ne pouvait voir le visage. Pour elle pour qui les émotions des gens était parfois si compliquées à déchiffrer, ce marquis n'en était que plus énigmatique mais étrangement plus... lisse ? Rassurant en un sens. Elle n'avait pas à soucier de le regarder pour tenter de décoder des implicites car le casque les cacherait de toute façon et elle ne s'infligerait ainsi pas la brûlure d'un regard partagé. Drôle d'homme vraiment, que celui-ci, qui marchait à côté d'elle, relevant ses travers sans pour autant que cela semble piquer. Elle n'était effectivement pas causante et ce trait lui avait été déjà bien des fois reproché. S'il parlait beaucoup, il meublait ainsi l'espace, tant physiquement qu'en paroles. Cela allait à Annabelle, qui se contentait de suivre son rythme sans chercher à trop faire la conversation.
La mention du chocolat la força cependant à pencher la tête sur le côté, devant réfléchir un instant. D'aussi loin que remontaient ses souvenirs elle n'en avait goûté. "Je n'ai pas eu cette occasion." Dit-elle sobrement, repensant une seconde aux années de miséreuse dans son comté dévasté. Non, définitivement, elle n'avait guère eu à se préoccuper du chocolat. Marie et Clément n'étaient pas très portés sur les choses à la mode et seules les fameuses cousines en avaient mentionné le goût extraordinaire sans que cela intéresse énormément Annabelle. Quant à la pique sur son absence de répartie, elle l'accepta de bonne grâce, repoussant seulement une mèche de cheveux derrière son oreille sur un léger soupir, ne prenant la peine de s'en sentir blessée ou même de s'en excuser.

Une pause sur le perron, près de ce pauvre buis envahi des petits cocons de chenilles goulues et déjà elle s'en voulait : c'était tout à fait son genre, ce genre de gaffe. Face à l'immobilité du géant, elle s'était stoppée et lui avait coulé un regard par en-dessous, soudain nerveuse. Elle se tordit un peu les doigts dans une attitude penaude : allait-il déjà se mettre en colère ? Annabelle tressaillit tandis qu'il laissait échapper un "ho"... Et voilà, quelle idiote. Même pas dix minutes et la voilà déjà impolie. Cependant, tandis qu'elle appréhendait, son hôte préféra héler son jardinier - le petit bonhomme flânait non loin et Annabelle lui coula un regard acéré sans le vouloir : un peu trop replet, les mains propres, la tenue sans tâches ni trous. Cet homme avait l'habitude de paresser. Ce n'était pas à elle de le juger mais elle dû se mordre l'intérieur des joues pour ne pas lui reprocher ce genre de négligence. Il n'y avait qu'une seule chose qu'Annabelle ne pouvait admettre : que l'on n'entretienne pas un végétal malade ou assoiffé. C'était là peut-être le plus terrible moyen de découvrir que l'humilité de cette jeune femme s'arrêtait à l'instant de diriger l'entretient d'une serre ou d'un jardin. Elle ne saurait souffrir qu'un être vivant puisse être tant négligé. Peut-être que ce n'était qu'un transfert simpliste face à sa misère de comtesse oubliée, elle que la plupart des domestiques avaient évité pour ne pas s'attirer l'ire du Comte. Elle avait grandi comme une plante bouffée de parasites et assoiffée d'une douceur qu'elle n'avait que trop brièvement connu. Peut-être. Peut-être était-ce tout autre chose. Ainsi le pauvre homme se récolta-t-il l'œil le plus noir de la jeune femme sans même peut-être l'avoir remarqué.

Arnaud cependant, s'amusait de ses propres défaut, forçant Annabelle à lui porter attention, surprise de le voir avouer sans embarras qu'il faisait preuve de négligence. Beaucoup s'en seraient tirés avec une pirouette quelconque et son clin d'œil la perturba bien un peu. Drôle de type. Il avait l'air de tout sauf d'un marquis, avec son accoutrement et sa manière familière de parler, bien que polie. "Hum... vous faites ce que vous voulez." Dit-elle, un peu perturbée. A QUI voudrait-il qu'elle le dise ?
Cependant Annabelle n'eut guère le temps de se reprendre qu'il l'invitait à entrer. Soulignant de fait l'évidence qu'elle lui avait refusé son bras. Annabelle eut le bon goût de rougir délicatement, le rose fardant ses joues pâles et son regard se faisant légèrement plus grave. Elle manquait à toutes ses obligations et le savait bien mais... c'était fait. Et s'en vouloir et se morfondre n'était pas dans son caractère : il se remettrait assurément du fait qu'elle n'ait pas pris son bras. Elle toussota légèrement, empêchant sa voix de trembler - en dépit des apparences elle appréhendait un peu : passer ce seuil avait quelque chose de définitif. "Je vous remercie de votre prévenance." Dit-elle et ainsi prit-elle la tête de l'équipée sur une profonde inspiration, entrant simplement et sans plus de formalités puisqu'il venait de l'y inviter. C'était sans aucune doute un peu humiliant pour elle devant les domestiques mais Annabelle n'en avait cure. Il y avait des choses plus importantes. Ce pas, ce minuscule pas, était ce qui la rapprochait de son objectif, de ce roi qu'elle devait rencontrer, par n'importe quel moyen. Un frisson la traversa et la marque sur son pubis la démangea furieusement tandis qu'elle inspirait profondément en avançant bravement sans témoigner de sa soudaine détresse. Peu importe : elle devait aider ses gens. Et si pour cela elle devait danser, sourire ou faire des cabrioles, elle le ferait. Elle parlerait au roi, elle supplierait s'il le fallait.

Après quelques pas, elle se tourna, un peu ennuyée : "Par où dois-je aller ?" Demanda-t-elle avec candeur.
Annabelle de Latour
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Arnaud de Florbelle
Dim 27 Nov - 21:58
Noblesse

Arnaud faisait mine de faire innocemment la conversation mais il jaugeait déjà sa nouvelle pupille. A l'aune de ses réponses, il entrevit une jeune fille indéniablement forte, qui ne s'en laissait pas compter et avec cette pointe d'étrangeté qui portait en elle un mystère feutré qui le rendait curieux. Il y avait quelque chose dans le regard d'Annabelle de Latour qui semblait différent, venu d'ailleurs. Sa voix monotone, sa franchise tranchante, ses pas précautionneux comme pour ne pas blesser le sol qu'elle découvrait. Elle l'avait rien d'une souris grise, encore moins d'une sauvage mais ce quelque chose que le marquis ne pouvait définir le fit se perdre dans une réflexion stérile. Le chocolat n'était qu'une excuse, comme presque tout ce qu'il avançait. La sobre réponse d'Annabelle lui convenait, bien plus qu'un développement plus verbeux. Il la comprit également humble et de bonne grâce, parce qu'elle ne s'était pas défendue concernant sa répartie. Le tableau premier que le géant dressa lui plu, même s'il savait qu'il se trompait très certainement sur le compte de cette énigmatique pupille qui semblait en savoir long sur des sujets où lui-même était un parfait ignorant. Et c'était terriblement stimulant pour monsieur de Florbelle qui chemina d'un pas plus léger jusqu'au perron où il avait préparer un nouveau petit piège pour Annabelle en la laissant prendre les devants.

Au travers des grandes ombres qui hantaient les orbites de son casque, les yeux bleus du géant se posèrent sur la jeune fille qui lui coula un regard par dessous, nerveuse mais digne. L'homme ne dit rien ; il demeura un abrupt monolithe absolument silencieux, statue de marbre et d'ébène au visage absent, aux traits noyés de fer et de ténèbres. Il respirait en réalité à peine, les bras ballants le long de son large corps, la poitrine doucement soulevée par une inspiration ténue. Lui-même avoua franchement ces défauts qu'il avait et contre lesquels il ne luttait pas car ils formaient tout simplement sa personnalité ; on peut devenir meilleur sans se trahir, selon lui, et il avait toujours été un négligent, un désinvolte et un jouisseur placide. Autant l'accepter. Il haussa des épaules en silence, s'admettant faillible sans l'ombre d'une justification. Le jardinier quant à lui avait rentré la tête et en profita pour se carapater tandis que l'improbable duo arriva en haut de marches, accueilli par la double-porte ouverte sur deux rangées de domestiques.

"Bien sûr que je fais ce que je veux, c'est d'ailleurs ce que je fais de mieux", plaisanta Arnaud en faisant résonner dans son casque le départ d'un rire guttural, venu très simplement du cœur à la gorge. "Vous ferez chez moi ce qu'il vous plait, mademoiselle. En dehors des cours de la matinée, vous serez libre de mener votre vie comme vous l'entendez ; je n'ai en rien envie de vous empêcher à quoi que ce soit. Ce n'est pas dans ma nature."

Puis il se tut, se dédiant à l'observation de la jeune fille dans son nouvel environnement tout en la suivant silencieusement comme son ombre. La voix d'Annabelle ne tremblait pas, malgré ses rougissements. Elle tenait admirablement le cap et gagna quelques points avec son mentor tandis qu'elle entra avec dignité dans la demeure. Le marquis se contenta de hocher du chef face aux remerciements qui n'étaient qu'une formalité de plus ; son intérêt était ailleurs. Le regard des domestiques se porta sur la nouvelle arrivante, tout naturellement. Le but d'Arnaud n'était pas d'humilier Annabelle mais de la confronter à une situation sociale stressante et voir comment elle s'en sortirait. Quelle ne fut pas son contentement - pas vraiment sa surprise - de voir la jeune femme si digne, si concentrée. La voir traverser l'allée sans savoir où elle allait sans un regard en arrière, se retournant simplement pour demander pragmatiquement sa route. Sous son masque, le géant sourit. Elle était épatante, cette petite. Un vrai diamant brut à la candeur exquise sans être stupide. Forte et sobre. Il a rejoint en quelques pas, se plaçant finalement à ses cotés.

"Nous allons au bout de ce couloir. François, guidez-nous au petit salon je vous prie", demanda Arnaud d'une voix placide, loin de se montrer autoritaire avec son petit personnel. Le valet de pied s'inclina et prit la tête du cortège tandis que le marquis tourna la tête vers sa pupille pour lui avouer, "vous avez été brave tout à l'heure D'autres auraient flanché ou vu mes agissements comme une humiliation." Il ajouta dans le même souffle, " J'apprécie votre humilité et votre pragmatisme, mademoiselle de Latour."

Le valet les mena jusqu'à une petite pièce pourtant richement meublée de canapés et de fauteuils s'articulant confortablement autour d'une cheminée à l'antre crépitant, réchauffant l'endroit de sa douce chaleur ; la mélodie du bois qui craquait et son odeur emplissait les lieux et sur un guéridon se trouvait un service à thé fumant et une desserte contenant quelques petits desserts pouvant se manger sur le pouce. Les grandes fenêtres nimbait tout tout d'une lumière filtrée entre les fins rideaux qui dansaient doucement, suivant un petit courant d'air. Au fond de la pièce, une grande bibliothèque contenait toutes sortes d'ouvrages thématiques : des romans, des livres scientifiques, philosophiques, d'autres parlant botanique ou géographie - la moitié traitait de l'île de Belle-Galante où avait vécu le marquis. François prit congé en s'inclinant et Arnaud laissa Annabelle prendre en premier possession des lieux, lui laissant le loisir de faire ce qui lui plaisait tandis que lui préféra prendre place sur le canapé. Il était si grand qu'il prenait presque toute la place, assis comme un hussard en posant ses larges bras sur le dossier. Plutôt que de l'enjoindre à s’asseoir, monsieur de Florbelle la laissa vaquer à son aise. Il se pencha sur le service pour servir le thé lui-même, ne désirant pas de domestiques pour le faire.
Arnaud de Florbelle
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Annabelle de Latour
Ven 2 Déc - 11:34
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De toutes les situations qu'elle avait connues, faire quelques pas sans être accompagnée était pour le moins anodin. Elle qui avait foulé des chemins pavés de braises, les pieds nus et sans même connaître s'il y aurait une issue au bout de toute cette douleur, se faire juger par de parfaits inconnus était on ne peut plus supportable. Elle n'avait certainement pas conscience d'être source de pareil amusement et de contentement de la part de son tuteur, plus froide et pragmatique que la plupart des gens. S'il l'avait invitée à entrer, et bien elle allait entrer, avec ou sans escorte. Elle perçu l'ombre d'un vague murmure parmi quelques femmes de chambre, l'ombre même d'un sourire sarcastique peut-être mais rien de fondamentalement hostile. Tant mieux, les gens de cet endroit étaient plutôt habitués aux fantaisies - sans doute grâce à leur maître dont la présence silencieuse dans son dos n'était pas déplaisante. Annabelle songea avec ironie que ce colosse savait rendre son pas aussi silencieux qu'un trottinement de souris. Elle nota pour elle même de se méfier de cette curieuse faculté. Elle avait la certitude que tout grand et large fut-il, il serait parfaitement capable de se déplacer tout en souplesse. Chassait-il ? Cela pourrait expliquer ses aptitudes. Elle en était là de ses pensées que le marquis troubla de nouveau ce confortable silence qui les enveloppaient tandis que le majordome les guidaient - ou plutôt la guidait, elle était la seule à avoir besoin de connaître le chemin, après tout.

L'œil acéré comme une lame se porta sur son hôte, tandis qu'elle haussait les épaules en un geste qui manquait clairement de raffinement et de féminité. "J'en suis fort aise. Je ne fais cependant pas cela pour être appréciée. De plus, il y a plus brave que de simplement marcher au devant d'un homme." Elle ne souriait guère mais son regard avait comme une étincelle un peu provocatrice. Brave ? Pour simplement avoir marché sans guide avec quelques domestiques pour la juger ? Si elle se laissait stopper par si peu, elle ne mériterait assurément pas le nom de Fontange d'Aigremont. Fluctuat nec mergitur. Elle tangue mais ne sombre pas. La devise de sa famille n'avait jamais autant vivace qu'au travers des agissements de la comtesse cachée. Malgré tout, elle était soulagée : parce que ce Marquis ne ressemblait en rien ni à un ogre, ni en ces nobles côtoyés dans sa nouvelle famille. Il avait une façon d'agir déroutante et c'était peut-être ce qui la poussa à tourner enfin vraiment la tête pour le regarder. Oh, certes pas jusqu'aux yeux mais elle le balaya du regard comme l'on catalogue une toute nouvelle espèce inconnue. La peau très sombre attira enfin son attention, s'étonnant légèrement de cette particularité physique. Les mains quoique larges et poilues n'étaient assurément pas si calleuses - pas tant de travaux d'épée n'occupait visiblement le marquis de Florbelle. Une tenue confortable mais propre, pas de sudation en dehors de celle coutumière aux hommes de sa carrure : il était visiblement un homme d'intérieur, à son contraire à elle, profondément fille d'extérieur. Et ce casque, donc. Curieux atour. On lui avait dit qu'à la Capitale, les gens seraient originaux mais ce n'était pas un accessoire de mode. L'oeil calme et avisé de la jeune femme tiquait sur ce détail. Le casque était vieux, plein d'éraflures, la couleur brouillée, bosselé même par endroits, les soudures avaient vécues. Ce n'était pas un accessoire de guerre non plus, il n'était pas commun. Où avait-elle vu ce genre de casque ? Elle était certaine d'en avoir déjà vu, il y avait longtemps. Presque dans une autre vie.

L'arrivée dans le salon la coupa brutalement dans ses considérations, presque surprise de se trouver là où elle était désormais, ayant été occupée à analyser son tuteur tout le chemin. Elle espérait qu'elle n'avait pas été remarquée mais s'il avait compris son regard et ses froncements de sourcils, il eut la délicatesse de n'en rien dire. Le salon était paisible. L'odeur des vieux livres se disputait à celle de la cheminée, au thé ainsi qu'à la fragrance subtile et profonde du cuir. Annabelle aima cette pièce rien qu'à l'instant d'en passer le seuil. La vue sur les jardins était charmante mais les ouvrages alignés attiraient son regard et son insatiable curiosité. Et puisqu'Arnaud ne semblait guère faire très attention à elle - bien qu'il l'étudia en secret - elle en profita pour se déporter naturellement vers les ouvrages, plus si surprise d'y découvrir beaucoup de choses qui concernaient leur ancienne colonie. Vu l'apparence de l'homme, ce n'était guère étonnant.
"Etes-vous originaire de Belle-Galante ?" demanda-t-elle sans fard, ses doigts pâles parcourant les tranches comme l'on caresse un être aimé, avec respect et une forme de tendresse. Soudain, un haut-le-corps et elle laissa échapper enfin une exclamation, elle toujours si neutre. "Vous avez le "Le livre des Simples" ! Il est introuvable !" Elle s'agita brusquement, battant des mains en un geste un peu étrange, comme soudain animée, ses joues pâles colorées, son regard vif et plein de passion. "Et "La botanique des îles" !" Elle tournoya sur elle-même pour se tourner vers Arnaud, faisant voleter sa robe, affichant une expression incroyablement intense. "Je le cherche depuis 5 ans. Pourrais-je vous l'emprunter ?"
Elle avait complètement oublié le thé, les gâteaux, les présentations ou quoi que ce soit qui ne fut l'objet de sa brûlante convoitise.
Annabelle de Latour
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Arnaud de Florbelle
Sam 10 Déc - 19:37
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Arnaud avait en effet la fâcheuse tendance à être aussi silencieux qu'il était large, son corps bougeant de manière bien plus souple que son apparence aurait pu le faire croire de prime abord. Les gestes raffinés et mesurés attestaient de sa bonne éducation et condition, sa tenue d'un mépris total pour cette dernière. Il avait les pas d'un chasseur mais plus encore, ceux d'un danseur et d'un gentilhomme. Son esprit quand à lui était celui d'un grand libertin dans le sens premier du terme : celui qui se riait des conventions et qui saluait l'audace quand il la croisait ; et justement, le géant se retrouva devant cette défiance qu'il aimait tant sous les traits trompeurs de cette femme dont il ne connaissait rien mais aimait déjà confusément tout. Taciturne, tempétueuse ; tour à tour, imprévisible. Comme très jeune et très vieille à la fois, le regard farouche et les gestes secs éloignés des délicatesses poudrées des petites rosiaires de Cour et des grenouilles de bénitier. A ses dires, Arnaud se contenta de sourire et ses grands yeux bleus se plissèrent en deux demi-lunes rieuses dévorées par l’obscurité qui lui tombaient sur les orbites, amusé par la provocation de la jeune femme. "Voilà qui est parlé, mademoiselle", il branla du chef, marchant sans hâte en faisant un pas quand elle en faisait trois. "Ce n'est pas marcher devant un gros monsieur comme moi qui est brave, ma bonne amie, mais l'image que cela renvoie. Défier les conventions, les regards,et demeurer inflexible." Des choses comme ça mais il manquait clairement de l'envie de développer et préféra la mener au fait du début de leur échange, jusqu'au petit salon de lecture où il aimait à prendre son thé et recevoir ses trop rares ami‧es.

Le marquis de Florbelle s'offrit de bonne volonté à l'étude d'Annabelle, relevant même crânement la tête ; il s'amusait comme un petit fou, malgré son attitude un peu taiseuse. Tout balayé du regard qu'il fut, l'homme aimait être le centre des attentions et celle de la jeune de Latour était des plus déroutantes, des plus rafraîchissantes dans son quotidien un peu morne ces derniers temps. De temps à autre, son bon ami Michon, son adorable paon multicolore, le comblait de sa charmante présence, de son verbe délicat et incisif, de ces caresses chattes et joueuses. Mais la plupart du temps, monsieur le marquis s'ennuyait à mourir en attendant la Saison. Avec une pupille comme Annabelle, il n'aurait pas le temps de s'ennuyer cette année et cette idée le ravit. Arnaud fit entrer Annabelle dans cette pièce qui était une des plus petites de sa demeure, mais assurément la plus chaleureuse, réunissant au même endroit tout ce que l'énigmatique emmerdeur aimait plus que tout. Il fut fort aise de constater que sa petite protégée ressentit immédiatement l’amour qu'il portait pour cet endroit, et qui dormait dans le diable de ses détails. Il allait lui proposer de prendre ses aises mais l'étrange jeune femme l'avait déjà devancé - quelle sacrée fille ! - et il ne put que s'avouer vaincu en se fendant d'un sourire attendri face à l'agitation nouvelle dont il la vit faire preuve. Le marquis s'installa sur le canapé et commença à servir le thé afin de lui laisser tout le loisir de prendre ses marques, de regarder, de prendre possession des lieux et des objets.

"Mon géniteur, qui y était esclave", répondit tout de go Arnaud sans s’embarrasser de quelques détours, comprenant qu'Annabelle était une jeune femme qui aimait les lignes droites et n'était pas du genre indiscrète, "J'y ai passé mon adolescence avec mes cousins, qui sont des Lubin de Noirceuil" - une famille à la réputation affreusement funeste, bien plus que les de Florbelle. Arnaud ne donna cependant pas cette information pour rien ou juste pour faire la causerie ; les de Noirceuil avait perdu la gouvernance de l'île de Belle-Galante depuis plusieurs années et cela mettait un contexte entier sur sa jeunesse. Contexte qu'il n'aurait de ce fait pas besoin d'expliquer à la jeune femme, bien que cette dernière ne demanda rien de plus puisque son attention fut soudain happée par quelques ouvrages. Toujours aussi silencieux, le marquis fut surpris du changement d'attitude de la jeune femme qui soudain semblait bien loin de la sauvageonne avare de mots, lui trouvant une rare prolixe. Attendri, le géant cessa ce qu'il faisait pour centrer toute sa silencieuse attention sur sa pupille et détailler sa joie si simple, si élémentaire. Elle était cultivée, intéressée par la botanique. Un peu revêche, foncièrement libre des carcans étriquées dans lesquels on précipitait les jeunes nobles de son âge ; elle était rafraîchissante, intéressante ; ravissante même, quand elle s'animait ainsi. Son regard soudain vif et plein de passion lui rappelait ces propres jeunes années, quand il se passionnait pour toutes ces plantes et ces fleurs qu'il ne connaissait pas encore.

"Bien sûr, empruntez tous les ouvrages qu'il vous plaira", se contenta de dire Arnaud d'une voix traînante, évitant de montrer son vif intérêt à l’étudier elle, qui l'avait étudié précédemment, "Les livres sont fait pour être lus ici, pas à servir de décoration comme ailleurs. Faites comme bon vous semble", il avait bien compris que la collation pourrait attendre et laissa à la jeune femme tout l'espace dont elle aurait besoin, se contentant d'attendre qu'elle revienne vers lui quand elle l'aurait décidé. "Mais je suis curieux, mademoiselle de Latour. Depuis combien de temps la botanique occupe-t-elle votre esprit ? Vous semblez avoir une connaissance pointue du sujet malgré votre jeune âge et cela m'intrigue. Je gage que vous pourriez m'en apprendre... Mais cela me plairait d'échanger sur ce sujet qui vous plait avec vous."
Arnaud de Florbelle
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Annabelle de Latour
Ven 16 Déc - 11:22
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L'enfance d'Arnaud exposée avec une franchise toute simple interpella un instant l'attention d'Annabelle. Un fils d'esclave, donc, proche d'une famille au moins aussi sinistre que la sienne. Il avait passé assurément bien des années compliquées. Elle ne releva pas, par une certaine délicatesse toute simple, elle qui était fille de Comte mais plus miséreuse que ses propres servantes. A quoi bon les titres quand l'on manque du plus simple : les bras et l'affection de nos parents. Elle devina cette cicatrice comme elle savait remarquer les autres, sans même avoir besoin de s'y étendre. Cependant elle avait compris : il était de sa race. Celle des gens qui savent faire semblant. "Je comprend." Dit-elle et c'était peut-être bien la vérité. Car elle comprenait en effet toute la solitude que cela impliquait. Toutes ces questions, ce besoin de savoir qui l'on est. Elle vivait, amputée d'une mère à l'aube même de sa naissance et il était certain que le marquis en faisait de même d'un père. Elle ne releva rien donc, parce qu'elle connaissait la peine que pouvait produire un regard peiné porté sur une condition qui touchait à une secrète blessure. C'était drôle comme les choses s'alignaient, comme leurs manières s'accordaient à l'inverse. Marie lui avait choisi ce tuteur et elle sourit en dedans : cette femme savait toujours quoi faire et ne semblait pouvoir être prise en défaut. Drôle de femme que cette mère prétendue qui ne souhaitait que son bien alors même qu'elles n'étaient que des étrangères.

La bibliothèque avait ce charme un peu suranné à laquelle elle était sensible. Une pièce aimée et qui présentait toute la simple beauté de ces endroits où l'on aime à s'arrêter. Les livres la captivaient, elle qui les aimait tant, surprise d'en découvrir autant qui traitaient de son sujet de prédilection qui devait donc bien un peu intéresser le marquis. Son agitation et sa passion avaient souvent été matée à coup de taloches mais qu'y pouvait elle ? Elle savait bien que ses manières mettaient les autres mal à l'aise. Pourtant aucun reproche ne lui fut fait, au contraire, il l'encouragea à choisir ceux qu'elle voulait pour les consulter. Ravie, Annabelle ne se fit guère prier, puisqu'elle avait la permission. La politesse aurait sûrement voulu qu'elle redemande pour être certaine mais pour elle, un oui était un oui et elle n'avait pas besoin de tourner en rond pendant des heures. Elle se contenta d'un "Merci." qui sonnait fort agréablement : parce qu'il était simple et sincère.
Ainsi ses doigts s'attardèrent un instant sur les reliefs des tranches, simplement contente de les toucher avant de les tirer avec délicatesse pour caler les lourds volumes entre ses bras, s'illuminant rien qu'à regarder les lettres formant les titres, écrits en argentés sur fond de vieux cuir brun. L'odeur forte, un peu musquée et le grain sous ses doigts la ravissaient. Elle les serrait contre elle comme l'on tient un enfant, avec ce mélange de fermeté et de prudence. Naturellement, elle s'avança vers l'âtre et les sofas accueillants dont Arnaud occupait déjà presque tout le premier. Elle s'y laissa tomber avec la légèreté de son poids plume, comme en parfait contraste, préférant s'installer sur le fauteuil le plus proche du feu, à la manière de ces chattes frileuses, les yeux mi-clos sur l'agate de leurs regards énigmatiques. Aux questions du marquis, elle reporta enfin son attention vers lui, devant un peu lutter pour ne pas juste ouvrir les ouvrages et les lire en silence en se coupant du monde.

Depuis combien de temps aimait-elle la botanique ? La question la prit un peu au dépourvu et elle répondit d'abord : "Depuis toujours." Ce qui était indéniablement très vrai mais aussi très vague. Toujours, ce temps infini et aléatoire, contracté dans ce seul mot. Elle ne se souvenait pas d'une époque sans aimer les plantes. "Ma mère avait une serre." Elle en était la gardienne. C'était le seul endroit où ni ses frères, ni son père n'entraient jamais et où elle pouvait les fuir car elle était la seule à en posséder la clé, remise par sa nourrice à l'enfant comme une dernière volonté de la défunte comtesse. "Je l'entretenais. La serre. Depuis petite." Elle caressa doucement le cuir, sans vraiment se rendre compte que cela apportait une légère dissonance au récit de ses parents adoptifs : une fille illégitime soi disant découverte sur le tard parmi des paysans, à la mort de la mère de l'enfante. Quels genre de paysans pourraient bien avoir les moyens d'avoir leur propre serre ? "Je serais ravie de vous aider avec votre jardin." Dit-elle simplement, avec ce sourire rare et naïf qu'elle avait parfois. "Vous aimez donc lire. Et écrire. Souvent. Il y a de l'encre sur vos nervures de mains." Elle semblait réfléchir à quelque chose, le regard intense sous ses dehors inattentifs. "J'aime bien faire des herbiers. Mais ils ne sont pas très jolis. Ma graphie n'est pas terrible." Elle posa enfin les livres, se levant légèrement pour prendre une tasse de thé, puisqu'il l'avait servie, se réchauffant les mains sur la porcelaine. Elle peina un instant avec la anse, naturellement portée du côté droit, la retournant pour la prendre de la main gauche - ce qui expliquait sa graphie médiocre. D'un geste souple, elle ébroua légèrement sa longue chevelure rousse et s'installa plus profondément dans le canapé, loin des jouvencelles qui s'asseyaient à peine, sirotant une gorgée qui lui brûla agréablement la langue après le froid et l'angoisse du voyage. "Merci, le thé est très bon." Elle était polie sans fioritures. Simple comme tout. "Avez-vous écrit des livres ou bien faites vous de la correspondance ?"
Annabelle de Latour
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